S‘il est vrai que la Pologne peut attirer de nombreux employeurs par ses salaires attractifs, il est important de souligner que le régime du contrat de travail présente certaines particularités intéressantes.
A. Les relations individuelles du travail
1. Le contrat de travail
La loi (Code du travail polonais du 26 juin 1974, mis à jour) prévoit un contrat de travail établi par écrit, toutefois la relation de travail existe dès lors que ses éléments essentiels (un travail, une rémunération et un lien de subordination) sont réunis.
Les éléments du contrat de travail sont similaires à ceux en vigueur en France avec une liste minimale de mentions obligatoires énoncée dans le Code du travail. Ces mentions présentent toutefois des caractéristiques notables.
2. La durée du travail – le travail de nuit – les jours fériés et le dimanche
a. La durée du travail
Elle est fixée à 40 heures par semaine pour une période de référence de 4 mois ne pouvant en principe excéder 4 mois. Des heures supplémentaires peuvent être effectuées dans la limite de 150 heures par année civile. Toutefois, la convention collective (voire même le contrat de travail) peut déroger à cette limite et ceci de manière très extensive. Ainsi, compte tenu des congés annuels, du repos obligatoire et du temps de travail maximal, le nombre d’heures supplémentaires peut aller théoriquement jusqu’à 416 par année civile.
En incluant ces heures supplémentaires, la durée hebdomadaire maximale de travail ne peut excéder 48 heures. Néanmoins, le salarié peut travailler jusqu’à 13 heures par jour s’il y consent.
Par heure supplémentaire, le salarié reçoit une majoration de sa rémunération habituelle de :
- 100 % pour le travail de nuit, le dimanche et les jours fériés,
- 50 % pour les autres jours.
Le salarié a droit à un repos continu de 11 heures par jour et de 35 heures par semaine. S’il travaille au moins 6 heures par jour, une pause de 15 minutes – incluse dans le temps de travail – doit lui être accordée.
b. Le travail de nuit
Le travail de nuit débute à 21 heures et se termine à 7 heures du matin (il est cependant possible d’y apporter des modifications dans le règlement intérieur). Est un « travailleur de nuit » le salarié travaillant de nuit au moins 3 heures par jour ou au moins 1/4 de son temps. Les salariés travaillant de nuit bénéficient d’une majoration de salaire égale à 20 % du taux horaire relevant du salaire minimum, par conséquent sans référence au salaire réel du salarié.
La rétribution du travail de nuit (comme celle des heures supplémentaires) peut être forfaitisée par l’employeur sous certaines conditions. La pratique des forfaits est couramment appliquée dans certains secteurs, le transport par exemple.
c. Les jours fériés et le dimanche
Le Code contient une liste limitative des cas dans lesquels le travail pendant les jours fériés légaux et le dimanche est autorisé. En contrepartie du travail effectué pendant ces jours, l’employeur est tenu d’accorder un jour de repos compensateur.
3. Le licenciement
Comme en France, le motif du licenciement (ou, de la démission si elle intervient sans préavis, notamment aux torts de l’employeur) doit être clairement établi et soumis au contrôle du juge.
En cas de licenciement injustifié ou réalisé en violation des règles de procédure, les sanctions consistent en une indemnité ne pouvant toutefois excéder 3 mois de salaire ou, rarement, en une réintégration du salarié.
Divers salariés – femmes enceintes, salariés en préretraite et certains représentants du personnel – bénéficient d’une protection contre le licenciement ou sont soumis à des dispositions spécifiques.
Une attention particulière doit être accordée à la période d’essai. Chaque partie peut y mettre fin sans justification, moyennant des délais de préavis variables.
4. Le contrat de travail à durée déterminée
A la différence de la France, il n’y a pas de limitation pour le recours au contrat de travail à durée déterminée (CDD).
Aussi, ce type de contrat est-il très « en vogue » en Pologne. Deux possibilités existent : le CDD « classique » et le CDD de remplacement temporaire d’un salarié.
Le CDD « classique » présente des spécificités notables : la durée maximale d’un CDD (ou de plusieurs CDD) ne peut excéder 33 mois. Au-delà de cette période, il est automatiquement transformé en contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Il est possible de conclure jusqu’à 3 CDD d’affilée avec le même salarié dans le respect de la limite de 33 mois. La conclusion d’un 4ème CDD entraîne la transformation de la relation de travail en CDI. Cette règle est connue en Pologne sous le vocable 3/33.
Les délais de préavis de résiliation d’un CDD ou d’un CDI sont identiques. Ils varient en fonction de l’ancienneté du salarié au sein de l’entreprise :
- 2 semaines de préavis si le salarié a été employé moins de 6 mois,
- 1 mois de préavis si le salarié a été employé au moins 6 mois,
- 3 mois de préavis si le salarié a été employé au moins 3 ans.
5. Le contrat de travail à durée indéterminée
Le contrat à durée indéterminée demeure néanmoins le contrat de travail de « droit commun ».
La résiliation du contrat à durée indéterminée peut intervenir de plusieurs manières :
- par accord des parties,
- par résiliation du contrat de travail par l’une des parties avec respect du préavis,
- par résiliation du contrat de travail par l’une des parties sans préavis en cas de faute grave ou d’absence prolongée du salarié.
6. Les congés payés
Les modalités de calcul des congés payés sont spécifiques à la Pologne : pour un salarié ayant moins de 10 ans d’ancienneté (l’ancienneté acquise dans les entreprises précédentes étant prise en compte), les congés payés s’élèvent à 20 jours ouvrés et ils passent à 26 jours ouvrés au-delà de cette période d’ancienneté. En règle générale donc, le salarié polonais bénéficie d’un jour de congé supplémentaire par rapport au salarié français.
L’ancienneté tient également compte des périodes de formation du salarié (les formations ne se cumulant pas) comme suit :
- pour l’école professionnelle de base, la durée de la formation est plafonnée à 3 ans,
- pour l’école professionnelle secondaire, la durée de la formation est plafonnée à 5 ans,
- pour l’enseignement général secondaire, elle est de 4 ans,
- pour les études après le baccalauréat, elle est de 6 ans,
- pour les études supérieures, elle est de 8 ans.
Ainsi, un salarié diplômé de l’enseignement secondaire (ce qui donne droit à 4 ans d’ancienneté) ayant 6 ans d’expérience professionnelle (+ 6) bénéficiera de 26 ouvrés jours de congés payés durant toute sa carrière professionnelle à venir.
7. Les rémunérations en Pologne
La Pologne et la France font partie de la majorité des états membres de l’Union Européenne où le salaire minimum est fixé par le législateur. Toutefois il existe de grandes disparités : le salaire minimum mensuel est actuellement de 980 € bruts en Pologne) (donnée de mars 2024). Les salaires sont plus élevés dans les grandes villes que dans le reste de la Pologne.
8. L’âge de départ à la retraite
L’évolution en Pologne de l’âge de départ à la retraite au cours des dernières années va, à l’inverse de celle que nous connaissons en France, dans un sens favorable aux travailleurs qui partent à la retraite de plus en plus tôt.
Ainsi, à ce jour et ce depuis le 1er octobre 2017, l’âge de départ à la retraite est fixé à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes.
B. Les relations collectives du travail
9. Les conventions collectives
Il existe deux types de conventions collectives : la convention d’entreprise et la convention étendue.
Elles sont signées par les organisations syndicales nationales et par les employeurs ou par les organisations d’employeurs. Il est intéressant de relever qu’il est possible de suspendre l’application d’une convention collective en cas de mauvaise situation économique de l’employeur. Cette suspension intervient par voie d’accord entre les signataires et ne peut pas excéder 3 ans.
En principe, les conventions collectives ne s’appliquent qu’aux seuls salariés. Néanmoins, l’utilisation fréquente de contrats de « prestations » (cf. C. ci-dessous) à la place de contrats de travail, permet d’étendre leur application à ces « restataires ».
Chaque convention collective doit être enregistrée en fonction de son caractère, qu’il soit étendu ou d’entreprise, auprès du ministère du Travail ou de l’Inspection du Travail territorialement compétente.
10. La représentation des salariés
Elle s’exerce soit par la participation des salariés à la gestion de l’entreprise (cette dernière ne s’appliquant qu’aux entreprises d’État), soit par le biais de la représentation syndicale.
Les syndicats jouent un rôle traditionnellement fort dans la représentation des salariés en Pologne. Ils négocient les conventions collectives, défendent les droits des travailleurs, et peuvent organiser des grèves ou d’autres actions collectives pour promouvoir les intérêts des salariés. La liberté syndicale est garantie par la constitution, permettant aux salariés de former et de rejoindre des syndicats de leur choix.
Outre les syndicats, les salariés peuvent élire des représentants spécifiques au sein de leur entreprise. Ces représentants peuvent participer à certains aspects de la gouvernance de l’entreprise, notamment en matière de santé et de sécurité au travail, et ils peuvent être consultés sur des décisions affectant directement les conditions de travail.
Bien que moins répandus que dans certains autres pays européens, les comités d’entreprise existent également en Pologne. Ils servent de plateforme de dialogue entre les salariés et l’employeur, discutant de sujets tels que les conditions de travail, les formations, et les stratégies d’entreprise. La mise en place de tels comités dépend de la taille de l’entreprise et de la présence syndicale.
C. Les travailleurs indépendants
11. La Pologne compte environ 2.800.000 « travailleurs indépendants ».
Contrairement aux salariés titulaires d’un contrat de travail régi par le Code du travail, les indépendants sont soumis au droit commercial et au code civil pour la gestion de leurs activités. Si cela leur confère une plus grande flexibilité en termes de gestion, principalement fiscale et sociale, leur responsabilité est également accrue quant aux risques d’entreprise.
En raison des abus constatés au cours des dernières années ayant entraîné la requalification en relation de travail de nombreux contrats de pseudo « travailleurs indépendants », seules pourront être retenues désormais comme telles les personnes remplissant cumulativement les conditions suivantes :
- être responsable vis-à-vis des tiers de l’exécution et du résultat de leurs prestations,
- diriger seules leur activité, aux lieu et horaire qu’elles déterminent,
- supporter le risque économique lié à l’activité.
L’administration peut requalifier l’opération, entraînant pour le bénéficiaire de la prestation l’obligation, donc l’employeur, de verser une retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu (comme tout employeur en Pologne) ainsi que les cotisations sociales salariales afférentes.