V ous êtes confrontés en Pologne à un débiteur [1] qui ne paye pas ses dettes ? Vous avez obtenu un titre exécutoire mais toutes vos tentatives d’exécution forcée ont échoué ? La loi polonaise vous offre la possibilité de faire payer ses dirigeants !
[1] société à responsabilité limitée polonaise
La loi polonaise prévoit en effet un cadre légal de la responsabilité des membres du directoire de la SARL pour ses dettes. Ce régime est prévu par l’article 299 du code des sociétés commerciales polonais (ci-après : « ksh »). Il permet aux créanciers d’engager une action contre les dirigeants lorsque l’exécution forcée contre la société s’est avérée infructueuse.
I. La sanction en cas de négligence coupable du dirigeant
La responsabilité des membres du directoire de la SARL a le caractère d’une sanction de nature indemnitaire pour les irrégularités de gestion qui rendraient inefficaces les mesures d’exécution entreprises contre la société.
Cette responsabilité pour négligence coupable consiste à ne pas avoir dans les délais légaux :
- soit soumis une demande d’ouverture de liquidation judiciaire,
- soit, éventuellement, à ne pas avoir mis en place l’une des procédures légales de restructuration des dettes.
Cette négligence entraîne quasi automatiquement un préjudice pour le créancier impayé.
II. Nature de la responsabilité des membres du directoire
Selon la jurisprudence dominante, la responsabilité des dirigeants à l’égard des créanciers impayés relève de la responsabilité civile de nature délictuelle à finalité réparatrice. Il ne s’agit toutefois pas d’une responsabilité civile délictuelle de droit commun. En effet, ses conditions de mise en œuvre sont particulièrement allégées.
En droit français, la responsabilité civile des dirigeants pour faute peut aussi être engagée par un tiers (tel qu’un créancier). Mais ce tiers doit démontrer, en plus de son préjudice et du lien de causalité, une faute intentionnelle détachable des fonctions du dirigeant, d’une gravité exceptionnelle et incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions.
Or, tel n’est pas le cas en droit polonais. Celui-ci fait en quelque sorte peser sur les dirigeants le risque de leurs décisions de gestion, indépendamment de leurs intentions et de leurs fautes. Reprenant la position de la jurisprudence et de la doctrine, l’article 299 ksh prévoit trois présomptions en faveur du créancier, à savoir :
- la faute commise par un membre du directoire est suffisamment caractérisée en cas de dépôt tardif ou d’absence de dépôt d’une demande d’ouverture de liquidation judiciaire ou de restructuration,
- le montant du préjudice équivaut au montant de la créance non recouvrée à l’encontre de la société,
- le préjudice subi par le créancier doit être indemnisé par le dirigeant du seul fait de sa carence dans la mise en place d’une procédure collective.
III. Le préjudice indemnisable : le montant de la créance non réglée auquel s’ajoutent les frais annexes
L’existence du préjudice et l’évaluation du montant des dommages constituent les éléments essentiels d’une demande d’indemnisation. Dans le cadre de la responsabilité prévue par l’article 299 ksh, le préjudice du créancier réside dans l’incapacité de recouvrer sa créance à partir du patrimoine de la société. Cette présomption dispense ainsi le créancier d’apporter toute preuve supplémentaire.
Il convient de noter que la responsabilité du membre du directoire n’est pas limitée au seul montant de la créance principale impayée du créancier à l’encontre de la société. Elle englobe également :
- les frais de la procédure,
- les frais de la procédure d’exécution forcée clôturée pour irrécouvrabilité,
- ainsi que les intérêts portant sur la créance principale.
IV. L’impossibilité d’exécuter la condamnation à l’encontre de la société, condition suffisante de la mise en œuvre de la responsabilité du dirigeant
Selon la Cour suprême polonaise, pour engager la responsabilité des membres du directoire, le créancier n’a en réalité qu’à prouver un seul fait : l’irrécouvrabilité de sa créance à l’égard de la société. Il n’est pas nécessaire de démontrer la survenance du préjudice, ni son montant.
Pour faire valoir ses droits sur le plan judiciaire, le créancier doit par conséquent disposer d’un titre exécutoire contre la société (par exemple, un jugement, voire une injonction de payer devenue définitive) et démontrer que l’exécution contre la société s’est révélée infructueuse. L’irrécouvrabilité de la créance peut ainsi être établie selon divers moyens, notamment par :
- dans la majorité des cas, un certificat d’irrécouvrabilité délivré par un huissier faisant apparaître que l’exécution ne permet même pas de recouvrer une somme supérieure aux frais d’exécution forcée,
le cas échant,
- une ordonnance rejetant une demande d’ouverture de liquidation judiciaire ou clôturant une telle procédure pour insuffisance de patrimoine de la société débitrice visant à couvrir les frais de la procédure,
- la démonstration que le patrimoine du créancier, au vu de ses comptes annuels, est insuffisant pour couvrir les créances impayées réclamées par le créancier souhaitant engager une action à l’encontre des membres du directoire,
- la présentation d’un copie intégrale du registre judiciaire national (équivalent de l’extrait Kbis en France) mentionnant que la société a perdu sa personnalité juridique et n’est plus active. Un tel cas peut se présenter, par exemple, si la société n’a pas déposé ses comptes sociaux des deux derniers exercices.
V. A noter
Une responsabilité des dirigeants – similaire à celle prévue par l’article 299 ksh – a été étendue aux créances à caractère public. Bien que le dispositif présente des similitudes avec le régime précité, les tribunaux administratifs sont encore plus durs à l’encontre des dirigeants que ne le sont les tribunaux judiciaires.
VI. Conclusion
Le législateur polonais a prévu un régime plus contraignant que son homologue français s’agissant de la responsabilité des dirigeants pour les dettes de leur société.
Ce régime est couramment utilisé par les créanciers en Pologne.
Sachez dès lors que si vous êtes amené à exercer un mandat social au sein d’une SARL en Pologne, vous ne devez pas négliger le risque de voir votre responsabilité engagée en cas de difficultés financières.
Voir également :
Le titre exécutoire notarié en Pologne afin d’éviter les impayés dès l’origine
Le recouvrement de créances en Pologne