Les fusions-acquisitions en Pologne : le régime juridique

janvier 2017Droit des sociétés

  1. Droit des sociétés
  2. Les fusions-acquisitions en Pologne : le régime juridique
Laprésente étude sur les fusions-acquisitions en Pologne concerne principalement les sociétés de capitaux, à savoir les sociétés à responsabilité limitée (sp. z o.o., appelées ci-après par commodité SARL) et les sociétés anonymes (ci-après S.A.). Précisons que les autres sociétés commerciales en Pologne sont : la société en nom collectif, la société civile professionnelle, la société en commandite simple et en commandite par actions.

I. Informations générales

1. Dispositions régissant les fusions-acquisitions

En raison de leur complexité, les opérations de fusions et d’acquisitions sont régies par de nombreux textes de loi, tels que :

D’une manière générale, les opérations portent soit sur des titres de sociétés, soit sur des actifs. Ce choix conditionne le déroulement de l’ensemble de la transaction : de l’étendue de l’audit juridique jusqu’aux formalités à effectuer.

2. Typologie des opérations de fusion-acquisition

D’une manière générale les opérations portent soit sur des titres de sociétés (parts sociales ou actions), soit sur des actifs (fonds de commerce ou branche organisée de celui-ci, certains actifs déterminés). Ce choix conditionne toute l’opération : de l’étendue de l’audit juridique jusqu’aux formalités à remplir.

Même si chaque opération présente des caractéristiques propres adaptées aux besoins de l’investisseur ainsi qu’aux sociétés participantes, il est possible de distinguer les modalités suivantes :

  1. la fusion (par constitution d’une nouvelle société ou par absorption)
  2. la scission (par absorption ou par constitution d’une nouvelle société sans ou avec disparition de la société scindée)
  3. l’acquisition de titres de sociétés (parts sociales ou actions)
  4. l’acquisition soit d’un fonds de commerce ou d’une branche organisée de celui-ci, soit de certains actifs déterminés

3. Etape préparatoire

En pratique, les parties concluent fréquemment un contrat préliminaire (par ex. contrat de confidentialité et engagement de négocier de bonne foi) ou sous conditions suspensives (consistant, par ex., dans l’obtention d’un financement, d’une autorisation ou encore dans l’attente du résultat positif d’un audit) dont dépendra la conclusion définitive de l’opération.

4. Frais de publication

Les opérations de fusion, de scission, d’acquisition de titres ou d’une entreprise requièrent un enregistrement auprès du registre compétent pour chaque société concernée. Elles sont par ailleurs publiées au Bulletin officiel. Les frais d’inscription au registre et de publication s’élèvent à 80 euros environ.

II. Agréments externes préalables à l’opération

1. Contrôle des concentrations

Une concentration doit être notifiée au préalable au Président de l’Office de la Protection de la Concurrence et des Consommateurs (UOKiK, équivalent en France de l’Autorité de la concurrence) si au cours de l’exercice précédent, le chiffre d’affaires total de l’ensemble des sociétés prenant part à l’opération (et des groupes dont elles font partie) dépasse l’un des deux seuils suivants :

  • 1 milliard euros dans le monde
  • 50 millions euros sur le territoire de la Pologne

L’opération n’est pas soumise à l’obligation de notification si la société cible n’a pas réalisé plus de 10 millions euro de chiffre d’affaires en Pologne au cours des deux derniers exercices ou lorsqu’elle est effectuée au sein d’un même groupe.

Le Président de l’UOKiK peut refuser l’agrément uniquement dans l’hypothèse où la concentration restreindrait la concurrence de manière significative ce qui a lieu en principe en cas de création ou de renforcement d’une position dominante sur le marché. Par ailleurs, sa décision peut poser certaines conditions qui doivent être remplies afin d’obtenir l’agrément.

Les parties ne peuvent réaliser l’opération qu’après l’obtention de la décision du Président de l’UOKiK. Par conséquent, elles décident souvent de scinder l’opération projetée en deux étapes en concluant d’abord un accord préliminaire. La deuxième étape n’intervient qu’après l’obtention de l’accord du Président de l’UOKiK et s’achève par la conclusion de l’acte définitif. Pendant cette période transitoire, la société absorbante/l’acquéreur n’a en principe pas d’influence sur la cible.

Par ailleurs, en cas d’opération d’envergure internationale, l’obtention de l’agrément de la Commission Européenne peut être requise.

Les frais administratifs de la procédure s’élèvent à 15.000 zl (+/- 3.400 euros) indépendamment du nombre de parties prenant part à l’opération ou de sa valeur.

2. Agrément du Ministre des affaires intérieures

Lorsqu’une société étrangère envisage d’acquérir des titres d’une société commerciale polonaise propriétaire d’un bien immobilier, un agrément préalable du Ministre des affaires intérieures est requis. Cette condition ne s’applique pas aux sociétés de l’Espace Economique Européen.

Le droit de timbre qu’il convient d’acquitter s’élève à 1.570 zl (+/- 350 euros).

III. Dispositions spécifiques aux différents types d’opérations

1. Acquisition de titres de sociétés (parts sociales ou actions)

Si la loi ne prévoit pas de limitation sur la libre cessibilité à un tiers des parts sociales (SARL) ou des actions nominatives (S.A.), les statuts peuvent néanmoins prévoir une telle forme de contrôle, par exemple la soumission à l’accord d’un organe de la société.

L’acte de cession de parts sociales (SARL) revêt une forme écrite, les signatures devant être certifiées par un notaire. La cession d’actions nominatives s’opère par inscription d’une mention sur l’action elle-même, accompagnée d’un transfert de l’action. Quant aux actions au porteur, un simple transfert de l’action suffit. Enfin, les actions des sociétés cotées sont cédées par inscriptions en compte-titres.

Les dispositions générales relatives à la garantie des vices cachés des biens cédés s’appliquent dans le cas d’acquisition de titres. Cependant, cette garantie ne s’applique en principe qu’à l’objet de la transaction, à savoir les titres acquis, et ne s’étend pas aux vices cachés des actifs de la société. Il est par conséquent souhaitable de prévoir de telles dispositions dans le contrat par le biais d’une garantie d’actif et/ou de passif.

Après la cession, il convient de notifier le changement d’associé/d’actionnaire à la société concernée. Dans le cas d’une SARL chaque partie à la transaction peut y procéder alors que l’inscription dans le livre d’actions d’une S.A. est effectuée à la demande de l’acquéreur des actions.

Lorsque l’acquéreur des titres (appelée « société dominante ») est une société commerciale qui vient à détenir plus de la moitié des titres d’une société (SARL ou S.A.) dont les titres ont été cédés, il est également tenu d’informer de ce fait cette dernière dans le délai de 2 semaines à compter de la naissance de la « relation de domination ». A défaut, la société acquéreur ne pourra exercer son droit de vote pour les titres représentant plus de 33 % du capital social de la société « dépendante ».

La cession de parts sociales ou d’actions n’est pas soumise à la TVA. Par contre, l’acquéreur est tenu d’acquitter l’impôt sur les transactions civiles (PCC) à hauteur de 1 % de la valeur vénale des titres (à l’exception des cessions d’actions de sociétés cotées). Le cédant est imposé sur la plus-value éventuellement réalisée au taux de 19 %.

2. Acquisition soit d’un fonds de commerce ou d’une branche organisée de celui-ci, soit de certains actifs déterminés

La notion d’entreprise est proche de celle du fonds de commerce en droit français. Elle désigne l’ensemble des éléments matériels et immatériels permettant d’exercer une activité économique. Elle comprend notamment la propriété (et les droits voisins) des biens mobiliers et immobiliers, les créances, les licences, les concessions et autorisations, le savoir-faire, les marques et les brevets. Il convient de souligner que la cession d’entreprise n’entraîne qu’un transfert d’actifs. Par conséquent, l’acquéreur est tenu d’obtenir l’accord de chaque contractant pour assurer le transfert des contrats. Par ailleurs, la cession d’entreprise ou d’une branche organisée de celui-ci entraîne le transfert des salariés ou de ceux dont le travail est lié à cette branche organisée. Par mesure de simplification, nous utiliserons par la suite l’expression «  fonds de commerce » pour qualifier cette notion d’entreprise.

La cession du fonds de commerce requiert, pour les SARL, une résolution des associés adoptée à la majorité de 2/3 des voix, pour les S.A. une décision des actionnaires adoptée à la majorité des 3/4 des voix. Les mêmes modalités s’appliquent à la cession d’une branche organisée du fonds de commerce et, dans les SARL uniquement, à la cession d’actifs dont la valeur dépasse le double du capital social.

Comme pour la cession de parts sociales, l’acte de cession du fonds de commerce est obligatoirement établi par écrit avec signatures certifiées par notaire. Par ailleurs, lorsque le fonds de commerce comporte un bien immobilier, le contrat de cession doit être conclu sous la forme d’un acte notarié.

L’acquéreur et le vendeur sont solidairement responsables des dettes de ce dernier dans le cadre de son activité économique sauf si l’acquéreur, ayant fait la preuve de toute la diligence nécessaire, les ignorait. La responsabilité de l’acquéreur est limitée à l’état du fonds de commerce existant au jour de la cession, et dont le prix est calculé au jour du paiement des créanciers. Il n’est par ailleurs pas possible de restreindre contractuellement cette responsabilité.

Les dispositions générales relatives à la garantie de vices cachés s’appliquent également aux acquisitions de fonds de commerce ou d’une branche organisée de celui-ci.

Le régime fiscal varie en fonction du type d’opération réalisée. Ainsi, la cession de fonds de commerce ou d’une branche organisée de celui-ci n’est pas soumise à la TVA. Elle relève de l’impôt sur les transactions civiles (PCC) s’élevant à 1 % ou 2 % de la valeur de l’opération dont est redevable l’acquéreur suivant la nature de chaque bien cédé. Le vendeur est imposé sur la plus-value éventuellement réalisée au taux de 19 % s’il s’agit d’une société commerciale, au taux progressif de 18 % et de 32 % pour les personnes physiques. L’acquéreur et le vendeur sont solidairement responsables des impôts non acquittés par ce dernier dans le cadre de son activité économique.

S’agissant de la cession d’actifs déterminés, elle est soumise à la TVA dont le taux de base s’élève à 23 %. Certains biens sont imposables à des taux réduits, voire exonérés de la TVA. Lorsque la cession n’est pas soumise à la TVA, l’impôt sur les transactions civiles au taux de 1 % ou 2 % s’applique selon la nature des actifs cédés. Le vendeur est imposé sur la plus-value éventuellement réalisée au taux de 19 % s’il s’agit d’une société commerciale, au taux progressif de 18 % et de 32 % pour les personnes physiques. Par contre, l’acquéreur n’est pas solidairement responsable des impôts non acquittés par le vendeur dans le cadre de son activité économique.

3. Fusions

La fusion est une opération effectuée soit par le transfert de l’ensemble du patrimoine d’une société (absorbée) à une autre société (absorbante) en contrepartie de titres de la société absorbante octroyés aux associés de la société absorbée (fusion absorption), soit par la création d’une société de capitaux à laquelle est transféré le patrimoine de l’ensemble des sociétés participantes (fusion par création d’une société nouvelle). Il est également possible de réaliser une fusion « à l’envers » par laquelle la société dépendante absorbe une société dominante.

L’opération débute par l’élaboration d’un projet de traité de fusion entre les sociétés participantes. La version définitive de ce projet, accompagnée de la demande de désignation d’un expert ad hoc, doit être notifiée au registre compétent pour chaque société participant à la fusion. Il convient de publier le projet de traité de fusion au moins un mois avant la date de la réunion de l’assemblée des associés/actionnaires des sociétés participantes devant statuer sur l’opération. Cette publication s’effectue soit au Bulletin officiel soit par Internet. Le projet doit faire l’objet d’un rapport écrit établi par l’expert ad hoc dans un délai de deux mois à compter de sa désignation qui peut toutefois ne pas être établi si tous les associés/actionnaires le décident.

Le directoire de chaque société participante est également tenu d’élaborer un rapport comportant le but de la fusion, ses fondements légaux et économiques et notamment la parité d’échange des parts sociales/actions retenue. Les associés/actionnaires sont informés à deux reprises du projet de fusion (ceci selon les modalités prévues pour la convocation des assemblées d’associés/d’actionnaires). La première information, qui a lieu au moins un mois avant la date de l’assemblée envisagée, est suivie d’une deuxième information au moins deux semaines plus tard.

La fusion requiert une décision de l’assemblée des associés/actionnaires de chaque société à la majorité des 3/4 des voix représentant au moins la moitié du capital social. Cette majorité est réduite à 2/3 du capital social pour les sociétés cotées. Les statuts peuvent prévoir des conditions de vote plus rigoureuses. Enfin, la décision de l’assemblée est communiquée par chaque directoire au registre compétent. Les directoires déposent également une demande d’inscription de la fusion au registre de la société absorbante ou nouvellement créée ; c’est au jour de cette inscription que la fusion intervient au plan juridique et fiscal. C’est également à ce jour que la société absorbante ou nouvellement créée est subrogée dans l’ensemble des droits et obligations de la société absorbée, y compris pour les autorisations administratives faisant partie de ses actifs apportés (sauf dispositions légales ou administratives contraires). La date de fusion est en réalité du ressort du registre compétent ; en pratique, les sociétés participant à l’opération prennent le soin de déposer leur demande d’inscription modificative 3 à 4 semaines à l’avance et suggèrent simplement au registre une date de réalisation.

Il existe une procédure simplifiée dont peuvent bénéficier les sociétés absorbantes détenant au moins 90 % du capital social de la société absorbée. Les fusions simplifiées ne nécessitent pas l’élaboration d’un rapport du directoire sur la fusion, d’examen du projet de fusion par un expert ad hoc ni de résolution de l’assemblée des associés/actionnaires. La procédure est par conséquent moins coûteuse et plus rapide. L’absorption d’une filiale à 100 % est encore plus aisée, notamment par l’absence de parité d’échange.

Il est possible, depuis 2008, de réaliser sur la base des règles communautaires une fusion entre une société de capitaux ou en commandite par actions avec une société étrangère immatriculée dans l’Espace Economique Européen.

En principe, les fusions ne sont pas soumises à la TVA ni à l’impôt sur les transactions civiles (PCC) et les sociétés participantes à l’opération bénéficient d’un régime de faveur en matière d’impôt sur les sociétés.

IV. Acquisition d’un fonds de commerce dans le cadre d’une liquidation volontaire ou d’une procédure collective

Une société en liquidation volontaire peut prendre part à une fusion à condition que le partage de ses biens entre les associés/actionnaires n’ait pas encore débuté.

S’agissant des sociétés en redressement ou en liquidation judiciaire, elles ne peuvent ni fusionner ni se scinder. Cette interdiction ne s’applique pas en cas d’adoption d’un plan de redressement.

Par contre, le fonds de commerce d’une société bénéficiant d’une procédure collective peut être acquis par voie d’enchères publiques, voire de gré à gré sous certaines conditions. Le fonds de commerce ainsi acquis ne comprend que des actifs et est libre de droits des tiers.

V. Obligations résultant du droit du travail

Les obligations relatives au droit du travail varient en fonction du type d’opération. Si celle-ci porte uniquement sur les parts sociales ou les actions, elle n’influe, en principe, pas sur les obligations de l’employeur envers les salariés. De plus, elle n’engendre pas automatiquement d’obligation préalable d’information ou de consultation à la cession. Cependant, si l’opération a pour conséquence notamment un changement d’activité de l’entreprise ou une réduction d’effectifs, l’employeur peut être tenu d’en informer le conseil des salariés, s’il existe, ou même de le consulter. Par contre, en cas d’opération portant sur les actifs de la société, y compris en cas de fusion, le nouvel employeur est subrogé dans les droits et les obligations de son prédécesseur. Ce transfert s’effectue indépendamment de la volonté des salariés ou de l’avis de leurs représentants. Les deux employeurs sont tenus d’informer les syndicats ou le conseil des salariés de l’opération ou, à défaut de représentation, les salariés eux-mêmes au moins 30 jours avant la date prévue de l’opération. Cette information est suffisante si le nouvel employeur n’envisage pas de modifier les conditions d’emploi des salariés. Dans le cas contraire, il est tenu de soumettre le projet à la consultation des syndicats en vue de conclure un accord ou, à défaut, de consulter le conseil des salariés.

Le non-accomplissement des obligations d’information ou de consultation visés ci-avant n’entraîne pas la nullité de l’opération mais peut engager la responsabilité pénale de  l’employeur.

Enfin, en cas de cession de l’intégralité de l’entreprise, le nouvel employeur devient seul responsable des obligations salariales tandis que lors d’un transfert partiel, l’ancien et le nouvel employeur sont solidairement responsables de ces obligations.