Laclause de réserve de propriété fait partie des clauses figurant communément dans les contrats de vente de biens et de marchandises. Elle permet au propriétaire de conserver la propriété du bien transféré jusqu’au paiement intégral du prix.
En d’autres termes, l’acheteur devient possesseur du bien, sans pour autant se substituer dans les droits du propriétaire. Les intérêts du vendeur se trouvent ainsi doublement protégés : d’une part contre la mauvaise foi du cocontractant, et d’autre part contre ses éventuelles difficultés financières.
Cette stipulation est connue du droit polonais comme du droit français. Il serait malgré tout imprudent d’en tirer la conclusion que l’exercice de la clause de réserve de propriété s’opère de la même façon dans les deux systèmes juridiques.
C’est la raison pour laquelle les développements suivants se donnent pour objectif de présenter l’approche dualiste du législateur polonais en matière de conditions d’opposabilité de la disposition en question. Nous présenterons donc successivement la portée de la clause au sein de la relation contractuelle (I.), puis son opposabilité universelle dans l’hypothèse où le contrat acquiert une date certaine (II.).
I. La clause de réserve de propriété dans le cadre de la relation contractuelle
Les relations entre les parties sont avant tout régies par le principe de la liberté contractuelle, ce qui permet aux cocontractants de les adapter au mieux à leurs besoins respectifs. Les dispositions législatives relatives à la clause de réserve de propriété font par conséquent figure de directives d’interprétation de la volonté des parties, notamment dans l’hypothèse où la clause serait rédigée de façon équivoque.
Il convient toutefois de souligner au préalable la nécessité de se conformer aux règles d’ordre public qui disposent, notamment, de l’inefficacité de la clause de réserve de propriété en matière immobilière.
A. La stipulation de la clause
i. La forme
En ce qui concerne la forme, le droit polonais ne pose que peu de conditions de validité. En l’occurrence, l’écrit n’est exigé qu’à titre probatoire et aucune forme particulière n’est requise.
Il en résulte qu’une clause de réserve de propriété peut être contenue dans tout document qui a été porté à la connaissance des deux cocontractants. En particulier, la jurisprudence admet la validité d’une telle clause rédigée en marge d’une facture ou d’un bon de commande.
ii. Un caractère présumé suspensif
La loi précise qu’en cas de doute, le transfert de propriété du bien assujetti à la clause en question a été effectué sous condition suspensive. En d’autres termes, sauf disposition contraire, l’acheteur deviendra propriétaire du bien uniquement au moment du paiement intégral du prix.
Les cocontractants peuvent également stipuler une clause inverse, de substitution dans les droits du propriétaire sous condition résolutoire. Dans ce cas de figure, le non-paiement du prix à l’échéance du terme convenu rendrait le vendeur de nouveau propriétaire.
Quoi qu’il en soit, la clause de réserve de propriété constitue une exception à la règle selon laquelle le transfert de propriété s’opère au moment de la vente. Par conséquent, il apparaît nécessaire de stipuler la clause au plus tard lors de la conclusion du contrat. En effet, une fois le transfert de propriété opéré, une clause de réserve de propriété ne peut pas avoir d’effet rétroactif.
B. La mise en œuvre de la clause
Si l’acheteur ne s’est pas acquitté de la totalité du prix dans le délai de paiement convenu, il perd son droit de possession sur bien ayant fait l’objet du contrat. C’est tout l’intérêt de la clause de réserve de propriété.
Face à la carence de son débiteur, le créancier peut :
- soit procéder à la résolution du contrat. L’acheteur sera alors tenu de restituer les biens au vendeur ;les éventuels travaux à effectuer par le bailleur avant la mise à disposition du local
- soit ne pas invoquer la clause de réserve de propriété et de recourir à une procédure de recouvrement de créances « classique », en exigeant le paiement intégral du prix.
En tout état de cause, le vendeur ne peut recourir aux deux possibilités ci-dessus et son choix sera irrévocable.
C. La clause d’exécution forcée : une alternative à prendre en considération
Il existe un moyen fort répandu en Pologne de garantir le paiement des marchandises qui n’est pas d’usage dans les relations contractuelles en France.
En effet, le droit polonais permet de stipuler une clause d’exécution forcée au sein d’un contrat de vente. Ceci n’est rien d’autre que l’acquiescement de la part du débiteur de se voir opposer des mesures propres aux procédures civiles d’exécution sans que le créancier ait besoin d’obtenir une décision de justice. Une telle clause vaut titre exécutoire, à condition de revêtir la forme notariée.
Le créancier peut ainsi se munir d’un outil lui permettant de procéder à une saisie conservatoire des biens vendus au débiteur … à condition qu’il n’en soit pas propriétaire. En toute logique, dans l’hypothèse de l’existence d’une clause de réserve de propriété, le créancier ne pourra saisir des biens dont il est propriétaire !
Les effets des deux clauses s’avèrent en définitive incompatibles.
II. Quel est l’intérêt de la date certaine ?
A. L’opposabilité aux tiers
i. Mise en oeuvre
Conformément aux dispositions législatives polonaises, l’opposabilité de la clause de réserve de propriété aux tiers dépend de sa stipulation dans un acte ayant date certaine.
Il convient au préalable de préciser que l’acquisition de la date certaine requiert soit une mention dans un acte notarié, soit une attestation par un organe de l’administration publique – ne serait-ce qu’implicitement. Son acquisition s’opère donc d’une manière différente de celle du droit français qui confère en effet date certaine à un acte lors de son enregistrement, le jour de la mort d’un signataire ou lorsqu’il en est fait mention dans un acte authentique.
En droit polonais, afin d’obtenir une date certaine il peut s’avérer nécessaire de recourir à un acte notarié. Les cocontractants peuvent conclure le contrat sous la forme d’un acte authentique ou procéder à l’enregistrement notarié d’un acte sous seing privé à une date postérieure.
Cependant, l’acquisition de la date certaine par le biais d’un organe de l’administration est une hypothèse plus fréquente qu’il y paraîtrait à premier égard. A titre d’exemple, l’immatriculation d’une voiture auprès des organes compétents aura pour effet de procurer date certaine à son contrat de vente assorti d’une clause de réserve de propriété.
ii. Application
L’intérêt d’un contrat ayant une date certaine réside avant tout dans son opposabilité aux autres créanciers du débiteur. Etant par tous reconnue comme étant la propriété du vendeur, la marchandise se trouve hors de portée d’une procédure de recouvrement de créances intentée par un autre créancier
Toutefois, eu égard aux règles du code civil polonais, il convient de garder à l’esprit que la clause de réserve de propriété, même assortie d’une date certaine, ne protège pas le vendeur contre le risque de revente de sa marchandise aux tiers, à condition qu’ils soient de bonne foi.
En effet, en vertu de la présomption de bonne foi dans les relations contractuelles, le créancier doit démontrer que le débiteur a vendu la marchandise à un tiers qui connaissait ou aurait dû connaître l’existence de la clause de réserve de propriété.
En toute circonstance, le créancier reste toutefois en mesure de revendiquer le paiement intégral du prix de la marchandise revendue.
B. L’opposabilité en procédure collective
Il ressort des dispositions du droit polonais des procédures collectives que les biens qui demeurent la propriété du vendeur ne font pas partie de l’actif du débiteur en difficulté. Bien évidemment, conformément à ce qui a été démontré préalablement, l’opposabilité aux tiers dépend de l’existence de la date certaine.
Dès lors, les intérêts du bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété opposable aux tiers se trouvent mieux protégés que ceux des créanciers bénéficiaires d’une sûreté (gage, nantissement, etc.). Ces derniers peuvent en effet voir leurs créances satisfaites uniquement à l’issue de la procédure collective, par définition incertaine.
Force est donc de constater que la clause de réserve de propriété, nécessairement assortie d’une date certaine, demeure le meilleur moyen dont dispose le vendeur pour se prémunir contre la survenance d’une procédure collective.