L’audit juridique et les spécificités polonaises

septembre 2024Droit des affaires

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Préalablement à l’acquisition d’une entreprise, que ce soit dans le cadre d’une opération de fusion, de reprise ou d’achat de parts sociales ou d’actions, il est fortement conseillé de procéder à un examen de sa situation juridique. Ce n’est qu’après un audit juridique minutieux que l’acquéreur est à même de se faire une idée de la valeur de l’entreprise, des risques potentiels liés à l’opération envisagée et par conséquent, de signer le contrat définitif en toute connaissance de cause.

1. Etendue de l’audit juridique

L’audit (ou due diligence) exige une approche individualisée et adaptée en fonction de l’entreprise auditée, de son secteur, et de son activité. Cependant, certains points communs peuvent être relevés. En règle générale, ils portent sur les aspects suivants :

  • Le patrimoine de la société et les titres de propriété
  • Les titres de propriété des parts sociales ou d’actions, leur cessibilité et leur nantissement
  • Les contrats commerciaux en cours
  • Les autres contrats externes de l’entreprise, y compris avec les prestataires de services
  • Les contrats internes de l’entreprise, ses statuts et les règles applicables aux organes sociaux
  • L’état des procédures judiciaires et administratives en cours, des litiges en cours de transaction et des contentieux potentiels
  • Les droits de propriété industrielle, marques, brevets ou licences, avec notamment la propriété de la marque portant dénomination sociale
  • L’état d’endettement de la société à l’égard des tiers et les éventuelles sûretés consenties
  • Un audit social, portant notamment sur les règlements, conventions collectives, la régularité des embauches et des licenciements
  • Les licences, permis et autorisations nécessaires à l’activité de l’entreprise
  • Les autres obligations relevant du droit administratif, douanier, du droit de l’environnement, etc.
  • Les polices d’assurances, leur validité, les sinistres couverts et déclarés dans le passé

2. Due diligence, une démarche incontournable

L’audit juridique est mené par des cabinets d’avocats spécialisés. Il est le plus souvent effectué pour le compte de l’investisseur potentiel et à ses frais. Il convient cependant de souligner qu’il existe d’autres cas de figure. L’audit peut être également commandé par le vendeur qui souhaite accélérer le processus de la vente et éviter plusieurs études similaires de la part des investisseurs. Dans ce cas-là, il est initié par des juristes indépendants de l’acheteur et – en théorie du moins – impartiaux. Cependant, en règle générale, ce type d’audit ne s’avère pas nécessairement concluant dès lors que nombre de questions peuvent rester sans réponses. C’est pourquoi, il ne saurait remplacer une étude réalisée par un acquéreur potentiel.

Même si l’audit juridique n’est pas obligatoire, il est difficilement envisageable qu’un investisseur puisse s’en passer. Il constitue le moyen le plus fiable d’identifier les risques juridiques, permet d’évaluer la valeur de l’objet de l’acquisition et, le cas échéant, protège contre des pertes financières importantes. Grâce aux informations obtenues au cours de l’audit, l’investisseur peut adopter une stratégie de négociation appropriée et efficace. Bien que les frais de l’audit soient non-négligeables, l’audit permet, en définitive, de réduire les coûts de l’opération envisagée. L’audit joue potentiellement sur un autre élément, à savoir, la garantie de passif. Les informations collectées peuvent en effet influer sur les exigences de l’acquéreur en ce qui concerne la rédaction et l’étendue de la garantie. Comme l’audit juridique n’est pas réglementé par la loi, son étendue et les conditions de sa réalisation relèvent d’un accord entre le vendeur et l’acheteur potentiel.

3. La Data room : une solution performante

La data room, ou salle de données, est une des étapes de due diligence qui a pour objet de rassembler tous les documents, de quelque nature qu’ils soient (comptables, juridiques, sociaux etc..), qui sont susceptibles d’avoir un impact sur la valeur de l’entreprise et la finition du contrat.

Il est en outre possible de conduire un audit juridique restreint à certains domaines. Un audit peut s’intéresser principalement au contrôle du respect des prescriptions légales par la société, lors de sa constitution, et tout le long de son fonctionnement. Un audit « contractuel » se fondera sur une toute autre démarche. A côté de la vérification pure et simple de la validité et de la licéité des engagements contractés, l’auditeur s’intéressera au contenu du contrat et mènera une appréciation qualitative (opportunité du contrat, qualité de protection qu’il offre à l’entreprise etc..). L’audit peut aussi viser à prévenir les risques juridiques, en faisant état, de manière synthétique, des risques extérieurs à l’entreprise (par exemple, à travers l’analyse de la situation financière des clients et des fournisseurs) afin que l’entreprise puisse contrôler ces risques ou qu’elle prenne des mesures adaptées en réponse à ceux-ci. Un audit fiscal peut également s’avérer très utile.

Quelle que soit l’approche choisie, il est conseillé d’élaborer une liste des documents fournis, commandés et consultés, et de la faire signer par les deux parties. Le refus de communiquer des documents devrait être également noté, puisqu’il peut constituer une preuve importante de la dissimulation frauduleuse et délibérée de certaines informations. Une liste de documents mis à la disposition des auditeurs est très souvent jointe au contrat de cession.

Au cours de l’audit juridique, le vendeur communique à l’acquéreur potentiel des informations confidentielles qui, normalement, sont gardées secrètes. Pour diminuer le risque de leur divulgation, il est indispensable de conclure au préalable un contrat de confidentialité par lequel l’investisseur s’engage à ne pas utiliser les informations sensibles à des fins étrangères à la transaction.

4. La Data room virtuelle

Même si le recours à la data room physique demeure encore répandu, on observe que la data room dématérialisée gagne rapidement en popularité. En fonction des besoins et des attentes de chacune des parties à l’opération, il sera en effet préférable d’avoir recours plutôt à l’un qu’à l’autre ou même, dans certains cas, au deux.

Dans un souci de sécurité, l’accès à une data room est subordonné, entre autres, à la signature de clauses de confidentialité et de non altération des données. Plus spécifiquement, en cas de data room virtuelle, une navigation sécurisée est mise en place avec des restrictions logicielles (qui protègent contre les copies ou impressions non autorisées). Une gestion des droits d’accès est aussi paramétrée en fonction des personnes et de la nature de documents. Néanmoins, ce système ne protège pas contre le regard des tiers ou bien, des actes malhonnêtes (photographie de l’écran d’ordinateur).  La data room physique est la méthode la plus sécurisée, un personnel étant constamment présent pour contrôler l’accès et la consultation des documents. C’est pourquoi, il demeure conseillé d’y recourir pour les informations particulièrement sensibles.

La data room virtuelle présente de nombreux avantages en termes de temps et de coûts pour les deux parties. Les données sont ainsi stockées sur un serveur, ce qui offre la possibilité d’y avoir accès en tout lieu et à tout moment. La recherche d’informations est facilitée grâce à une navigation efficace (recherche par mots clefs – les informations sont classées et libellées en amont). Le vendeur réalise une économie d’espace et de personnels. Il peut aussi retracer l’activité des acquéreurs potentiels sur le serveur ce qui est très utile pour connaître leurs centres d’intérêts et, notamment, lesquels d’entre eux semblent les plus intéressés au projet. Aussi, la diminution des contraintes peut ostensiblement augmenter le nombre d’acquéreurs potentiels.

5. Autres modalités de l’audit juridique

L’inconvénient majeur de la data room réside dans la détermination, par le vendeur, des données mises à la disposition des investisseurs. La divulgation de certaines informations peut ainsi leur être opposée.

Une méthode alternative consisterait, pour les investisseurs, à indiquer à l’entreprise auditée les informations souhaitées. Cette démarche a l’avantage de répondre clairement aux attentes des investisseurs. Si le vendeur y consent, les auditeurs rencontrent les représentants de l’entreprise qui leur communiquent les données qu’ils ont convenu de partager. Par conséquent, dans certains cas, cette méthode peut sécuriser l’investissement de l’acquéreur dans une plus large mesure.

6. Quelques spécificités de l’audit juridique en Pologne

a. Un exemple parmi d’autres : le régime des biens immobiliers

Malgré la crise mondiale des dernières années, le marché des fusions et acquisitions en Pologne est en pleine croissance. Pour les entreprises étrangères, l’acquisition d’entreprises existantes ou de leurs actifs demeure la voie la plus attractive pour entrer sur le marché polonais.

L’audit juridique en Pologne n’est pas réglementé par la loi. Faute de pratique locale bien établie, il est mené à l’instar des pays anglo-saxons. Toutefois, certaines particularités concernant avant tout son étendue méritent d’être relevées. Ainsi, une attention particulière doit être prêtée au statut des biens immobiliers qui constituent, en règle générale, l’un des actifs les plus importants des sociétés.

A titre d’exemple, la sécurité de la transaction peut être menacée par les actions en revendication des anciens propriétaires des biens immobiliers à Varsovie, expropriés suite au décret dit de Bierut du 26 octobre 1945. Le rôle des cabinets d’avocats menant l’audit juridique est d’examiner si de telles actions sont en cours et s’il serait toujours possible de les intenter.

Autre particularité polonaise : les biens immobiliers des sociétés sont assez souvent situés sur des terrains appartenant à l’Etat ou aux collectivités locales qui ont été remis en usufruit perpétuel en principe pour 99 ans. Le cas échéant, il revient aux auditeurs de vérifier la date d’échéance de ce droit. A cet égard, il faut examiner la destination du bien immobilier telle qu’elle a été déterminée par les autorités dans une décision administrative. Si les projets de l’acquéreur potentiel de l’entreprise visent à changer cette destination, il faut le sensibiliser aux risques qu’il encourt, tels que l’augmentation des redevances annuelles, voire l’échéance du droit de l’usufruit. Par conséquent, il se peut que la transaction envisagée perde sa raison d’être.

b. Due diligence : de la méfiance vers plus de confiance

Ces dernières années, la conduite d’un audit juridique préalable a été sous-estimée par les investisseurs et les entreprises polonaises. Or, l’investisseur potentiel n’est évidemment pas en mesure de traiter une telle quantité d’informations et de les analyser d’un point de vue juridique. Partant, le recours aux cabinets d’avocats spécialisés s’avère indispensable.

Au vu de ces éléments, on apprend sans surprise que, selon un rapport de l’Agence polonaise pour le développement des entreprises les objectifs de fusions et d’acquisitions n’ont été effectivement atteints que dans la moitié des cas. 60 % des échecs résultent d’erreurs commises dans la phase préparatoire et dans celle d’intégration. Une partie de ces erreurs pourrait sans aucun doute être évitée grâce à un audit juridique approfondi.

A l’époque actuelle, le processus de due diligence est plus spécifiquement mis en place en cas de transactions d’envergure internationale, mais devient également une pratique courante dans les opérations de taille moins importante. Ceci prouve que les investisseurs sont de plus en plus conscients de son importance et soucieux d’assurer la sécurité juridique de leurs projets.

Voir également :

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