Alors que le contrat de bail commercial constitue l’un des piliers de l’activité économique en France, l’absence en Pologne de tout régime spécifique en cette matière, comme d’ailleurs dans la plupart des autres pays, peut surprendre à plus d’un titre. Le droit polonais adopte en effet une approche ultra-libérale laissant la volonté commune des parties régir la plupart des stipulations de ce contrat.
Néanmoins les locataires – partie présumée la plus faible dans ce type de contrat – ne souffrent pas de cette absence de réglementation protectrice. Les espaces commerciaux tendent à se multiplier, sans que la jurisprudence ait à se prononcer fréquemment sur le sujet.
Nous examinerons successivement certaines dispositions du code civil applicables au bail en général (I), puis les conséquences de l’absence de régime du renouvellement du bail et de régime du loyer en droit polonais (II).
I. Les dispositions du code civil
Les dispositions du code civil relatives aux obligations contractuelles, dont fait partie le bail commercial, sont supplétives par nature. Par conséquent, les droits et les obligations qui en découlent peuvent être régis différemment dans le contrat conclu entre les parties (primauté de la liberté contractuelle). Cette solution est identique à celle de l’article 1103 du Code civil français, selon lequel « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
1. Etat des lieux
Comme en droit français, les parties n’ont pas d’obligation d’établir un état des lieux lors de la prise en possession des locaux. Toutefois, il est usuel d’y procéder car à défaut, le locataire est supposé avoir reçu les locaux en bon état.
2. Durée du bail
Le contrat de bail peut être conclu :
- soit pour une durée indéterminée
- soit pour une durée déterminée. Dans cette hypothèse, le code civil précise qu’au-delà de 10 ans (en règle générale) et de 30 ans (en cas de bail conclu entre des entrepreneurs), le contrat est considéré comme devenant à durée indéterminée.
Sauf si les parties n’en disposent autrement lors de sa conclusion, le contrat à durée indéterminée peut être résilié à tout instant, moyennant un préavis de 3 mois. Le contrat à durée déterminée offre plus de stabilité au locataire dans la mesure où il ne peut être résilié à tout moment.
Outre l’arrivée du terme, il est possible de mettre un terme au bail dans les cas stipulés dans le contrat, qui peuvent être définis d’une manière très large. En effet, la jurisprudence polonaise admet la validité d’une clause de résiliation « pour des motifs importants ». Les parties ont donc tout intérêt à soigner la rédaction des motifs pouvant justifier une résiliation anticipée.
Quant au bailleur, il est en droit de résilier le contrat sans préavis lorsque le preneur présente un retard de paiement d’au moins 2 termes de loyers et qu’il ne s’est pas acquitté de son obligation un mois après avoir été mis en demeure de payer.
3. Réparations / Entretien
De la même manière qu’en droit français, si les « grosses réparations » incombent au bailleur, les réparations « mineures » sont à la charge du locataire. Il s’agit pour ces dernières, selon la jurisprudence, de dépenses modérées, supportées notamment à l’occasion de réparations de faible envergure. Les dépenses ayant comme finalité l’amélioration de l’immeuble ne sont pas constitutives de cette exception et reposent sur le bailleur.
II. L’absence des principaux éléments du régime des baux commerciaux français
1. Le renouvellement du « bail commercial »
Aucun texte, aucune décision de jurisprudence ne traite du droit au renouvellement du locataire d’un bail commercial.
En pratique, le locataire peut demander l’inscription d’une clause obligeant les parties de négocier de bonne foi un nouveau bail à une certaine date avant l’expiration du bail. Toutefois, le bailleur n’est jamais tenu d’accorder le renouvellement, donc bien évidemment il ne saurait être question d’une quelconque indemnité d’éviction au profit du locataire.
2. Le loyer du « bail commercial »
Le loyer, élément essentiel du contrat de bail, doit être payé par le locataire mensuellement, au plus tard le 10ème jour du mois suivant. Les parties peuvent néanmoins prévoir une stipulation différente.
Le code civil polonais ne comporte aucune disposition quant à la révision, à l’indexation ou au plafonnement du loyer à l’exception de son article 6851 posant le principe que le bailleur est en droit d’augmenter (et le texte vise expressément ce terme !) le loyer moyennant un délai de préavis d’un mois.
Dans cette hypothèse, deux voies de recours s’offrent au locataire. Soit il procède à la résiliation du contrat, soit il intente une action en justice dans le but de démontrer le caractère manifestement excessif de l’augmentation.
Les parties peuvent, et c’est heureux, déroger à cet article. Elles le font d’ailleurs quasi-systématiquement et prennent le soin d’adapter le rapport entre le loyer et la valeur locative (notion qui n’existe pas en droit polonais) par le biais classique, comme en France :
- soit d’une clause d’indexation (qui peut parfaitement être fondée sur l’inflation ou sur l’indice de l’augmentation des prix),
- soit d’une clause-recettes (pour les centres commerciaux principalement).
Conclusion
En l’absence d’un régime législatif spécifique, l’analyse juridique du « bail commercial » polonais repose quasi-exclusivement sur la base des stipulations contractuelles.