L’escroquerie au président : le mode opératoire
De quoi s’agit-il ? Un individu se fait passer pour un haut dirigeant d’une entreprise et demande généralement à un employé de son service comptable ou financier d’effectuer en urgence un virement bancaire international en vue d’une transaction hautement confidentielle (par exemple pour acquérir des parts de marché, éviter un redressement fiscal, etc.).
Pourquoi est-il possible que ces demandes soient satisfaites sans que la victime puisse s’apercevoir de l’escroquerie ?
Les escrocs préparent longuement l’opération. Ils étudient l’organigramme de l’entreprise en utilisant les informations qu’ils trouvent sur Internet ou celles publiées directement par l’entreprise leur permettant ainsi d’intercepter la signature du dirigeant figurant sur des documents officiels. La phase « d’ingénierie sociale » peut être bien plus poussée et il arrive parfois que les fraudeurs vont jusqu’à introduire un complice au sein même de l’entreprise cible pour mieux connaître son fonctionnement. Après ces préparations minutieuses, les malfaiteurs passent à l’acte et demandent par e-mail ou par téléphone à l’employé « sélectionné » d’effectuer un (ou plusieurs) virement bancaire :
Les e-mails peuvent être envoyés de l’adresse e-mail usurpée du dirigeant qui donne prétendument l’ordre. Le plus souvent toutefois les escrocs créent une adresse e-mail si proche que le destinataire croit en toute bonne foi qu’il s’agit d’une adresse authentique.
Dans le cas des arnaques opérées directement par téléphone, la fraude semble plus facile à démasquer. Toutefois, la personne qui appelle sait imiter la voix, la façon de parler du dirigeant pour lequel elle se fait passer, connaissant ses mots ou expressions préférées et il est tout aussi facile de se laisser abuser.
Il existe plusieurs variantes d’escroquerie au faux virement, quelques exemples :
- des individus se font passer pour des fournisseurs (bailleur par exemple) et communiquent un changement de domiciliation bancaire sur lequel l’entreprise effectuera désormais ses paiements,
- des « techniciens » viennent de mettre à jour le logiciel de la banque et demandent un « virement d’essai » pour effectuer un test,
- le dirigeant mène une acquisition totalement confidentielle au sein même de son entreprise, raison pour laquelle il demande à la personne choisie dans l’entreprise de ne révéler l’opération à personne d’autre …
La destination finale de ces virements est fréquemment la Chine ou Israël, mais le premier virement est, pour ne pas éveiller les soupçons, fréquemment réalisé à destination d’un pays de l’Union Européenne dans lequel il est aisé d’ouvrir un compte bancaire, par exemple en Pologne pour les cas qui nous intéressent.
Lorsque les fonds transitent par la Pologne
Que faire lorsqu’on s’aperçoit que l’on a été victime de cette arnaque ?
Les premiers jours, voire les premières heures, sont primordiales. Ce n’est pas sans raison que ces escroqueries sont fréquemment initiées les vendredi après-midi ou la veille d’une fête ou d’un pont. Avant que l’entreprise touchée ne s’aperçoive qu’elle a été victime d’une fraude, les malfaiteurs ont souvent eu suffisamment de temps pour faire disparaître les fonds.
En tout état de cause, dès que l’entreprise a connaissance de l’attaque, elle doit agir immédiatement. Ainsi, il est essentiel d’avertir non seulement sa banque française mais également la banque polonaise destinataire du virement indu.
Souvent, la victime dépose plainte en France, ce qui est très bien, mais absolument pas suffisant. En effet, les fonds dérobés se trouvant (peut-être) encore en Pologne, il convient d’agir très rapidement auprès du procureur polonais. En effet, en pratique, des mois s’écoulent entre le moment où le magistrat français demande, par le biais d’une commission rogatoire internationale, aux autorités polonaises de se saisir de l’affaire.
Il arrive en effet heureusement que les fonds n’aient pas encore intégralement disparu dans la nature et que tout ou partie de la somme soit susceptible d’être récupérée.
En Pologne, une banque suspectant que des fonds proviennent d’une origine criminelle a la possibilité de bloquer un compte durant 72 heures sans qu’aucune autorisation judiciaire de saisie ne soit requise. Ce blocage n’étant toutefois pas systématique, l’entreprise victime a tout intérêt à contacter rapidement un cabinet d’avocats spécialisé qui saura mettre la banque en face de ses responsabilités et déposera dans la foulée plainte auprès du Procureur local.
Ceci effectué, il sera plus aisé d’obtenir une autorisation du Procureur polonais visant à geler les fonds situés sur le compte suspect au-delà des 72 heures initiales.
Le rôle de l’avocat se poursuivra, notamment, par l’assistance du Procureur polonais dans ses contacts avec son homologue français qui aura été également saisi, ce qui accélère significativement l’enquête dans les deux pays, le temps étant un facteur clé dans ce type d’affaires.
Notre Cabinet assiste actuellement en France et en Pologne plusieurs entreprises françaises victimes de tels agissements.
Voir également :
Les juridictions en Pologne
Les sociétés commerciales en Pologne